mercredi 8 octobre 2014

"Madame le député ou madame la députée ?" : ce qu'en pensent les élues girondines

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"Madame le député ou madame la députée ?" : ce qu'en pensent les élues girondines
De gauche à droite : Sandrine Doucet (députée PS), Marie Hélène des Esgaulx (sénateur UMP de Gironde), Françoise Cartron (sénatrice PS de Gironde).© Photo
Montage Sud Ouest

Faut-il féminiser les titres et fonctions occupés par des femmes? L'avis de trois parlementaires de Gironde.

La grammaire et la sémantique font de nouveau irruption dans le débat politique depuis quelques jours. Lundi soir, à l'Assemblée nationale, le député UMP du Vauclause Julien Aubert a été rappelé à l'ordre par sa consoeur Sandrine Mazetier, présidente de séance qu'il avait appelée "Madame le Président". Ce qui constitue une entorse au règlement du Palais Bourbon.
Une instruction du bureau de l'Assemblée nationale, prise en 1998 et rappelée en 2000, fait obligation de féminiser les fonctions exercées par les femmes au Parlement. Il convient donc de dire "Madame la députée" ou " Madame la présidente", sous peine de sanctions : Julien Aubert va être privé d'un quart de son indemnité parlementaire pendant un mois, soit 1378 euros.
Pour sa défense, l'élu UMP invoque l'Académie française, opposée à la féminisation des titres. Pourquoi ? Parce que "seul le genre masculin, qui est le genre non marqué (il a la capacité de représenter des éléments relevant de l'un et de l'autre genre) peut traduire la nature indifférenciée des titres, grades, dignités et fonctions".
"Sud Ouest" a demandé à trois élues de la région ce qu'elles en pensent.
  • Sandrine Doucet (députée PS de la Gironde)
Pour moi, c'est madame la députée, même si à Bordeaux, dans ses courriers, Alain Juppé continue de m'appeler madame le député. C'est peut-être une réminiscence de la loi salique, cette façon de vouloir conserver les titres et fonctions au masculin. Le monde politique est très masculin, il suffit de regarder les cartons d'invitations pour les inaugurations, il n' y a quasiment que des élus hommes... Ce jeu sur la féminisation ou pas des titres peut aussi servir de petite arme psychologique durant les débats à l'Assemblée : certains hommes utilisent ces formules pour déstabiliser, un peu, des femmes ministres ou députées, il ne faut pas laisser passer. Je me souviens qu'une fois, un député a appelé Cécile Duflot "madame le ministre", et qu'elle a répondu "monsieur la députée"
  • Marie Hélène des Esgaulx (sénateur UMP de Gironde, maire de Gujan-Mestras)
Pour moi, c'est madame le maire, madame le sénateur, madame le président de l'agglomération... Je suis pour le masculin tout le temps. Il faut laisser l'Académie décider, ce n'est pas à nous, politiques, de contester les choix de l'Académie ! Ce qui m'énerve au plus haut point, c'est quand on m'appelle madame la mairesse... Je trouve en tout cas que cette polémique ne grandit pas les femmes, on ferait mieux de s'occuper de sujets importants. Et puis, à force de tout féminiser, ça va prendre des proportions grotesques : devra-t-on dire un pompier, une pompière ?
  • Françoise Cartron (sénatrice PS de Gironde, vice-présidente du Sénat)
"Pour moi, c'est la sénatrice bien sûr ! Et la vice-présidente du Sénat ! C'est déplorable d'en être encore à se poser ces questions en 2014. Quand j'ai été élue maire, il a fallu trois ans environ avant que les administrations écrivent à "madame la maire". A la fin, je renvoyais les courriers qui n'étaient pas libellés de la sorte, je trouve que c'est un manque de respect. Et ce n'est pas du tout neutre, la grammaire et les mots veulent dire des chose ; ça veut dire que, profondément, le pouvoir, en France, ne peut être incarné que par le masculin. Des femmes ont d'ailleurs intériorisé cette idée en demandant qu'on parle de leur fonction au masculin, qu'on dise "madame le directeur", "madame le député"... Il y a encore cette impression que si on met le féminin, on est affaibli dans son autorité, c'est regrettable"

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